Mais je vais vous dire, en étant là depuis x temps, j'allais travailler là-haut tous les jours, chercher le vert tous les jours pour mes bêtes, eh bien à part aller boire le café chez le gardien, moi je ne suis jamais rentrée plus loin que la cour. Je n'ai jamais fais le tour du Fort.

Les militaires avaient nettoyé le fossé après, avant c'était tout boisé. Nous, quand on a récupéré le terrain, on a nettoyé aussi. C'était plein de ronces de toutes sortes, comme un terrain qui n'est pas entretenu de toutes façons. Et puis ils nous avaient fait tailler tous les chênes qui sont le long du sentier qui traverse le bois.

Je les voyais, tous les matins, les militaires qui faisaient leurs courses à pied, c'était dans les années 1980. Ils préparaient leur école de parachutiste.

Le gardien ne sortait du Fort que dans les temps de midi pour aller faire ses courses. Moi, tous les jours j'emmenais mon fumier des vaches, je récupérais mon vert, j'y coupais à la faux ou à la faucille et j'y voyais tout le temps du monde s'y promener.

Avant on se connaissait presque tous, alors on discutait, ils promenaient leurs chiens, on se mettait à l'ombre. La forêt n'était pas entourée de barrières. Mais nous sur ce terrain, l'accord c'était qu'on ne devait rien récolter qui nous rapporte quelque chose, ce n'était que le droit de pacage. Ils ne nous faisaient pas payer, on devait juste y entretenir. M. Lacroix nous connaissait et il connaissait bien mon mari, alors il a demandé aux militaires de nous prêter le terrain. M. Lacroix nous invitait souvent à boire le café. On le croisait dans le bois quand il promenait ses chiens.